Le
rock indépendant, souvent abrégé en
rock indé (
indie rock ou
indy en
Anglais), est une classification musicale apparue à la fin des
Années 1970 au
Royaume-Uni comme résultat du bouleversement occasionné par l'émergence du mouvement
Punk. Le terme s'est rapidement diffusé dans le monde entier pour désigner le rock distribué indépendamment des majors du disque, et qui reste opposé aux courants dominants du rock.
La classification n'est donc pas purement musicale mais désigne à l'origine des disques (et non des groupes) publiés par de "petits" labels. Nombre de groupes sont ainsi qualifiés (étymologiquement à tort) de "rock indé" alors qu'ils publient leurs albums chez des majors. Par extension cependant la catégorie "indé" est aujourd'hui davantage utilisée pour qualifier un courant relativement étendu de la musique rock qu'en fonction du statut contractuel des groupes. Une constante des groupes de rock indé est leur allégeance envers les valeurs de l'underground, de la contre-culture et la recherche d'un rock authentique, éloigné des standards commerciaux.
Il convient de remarquer que les expressions rock indépendant et rock alternatif ont été employées indifféremment jusqu'au début des années 1990, moment où le sens du deuxième s'est considérablement élargi pour finir par englober une bonne partie de la production musicale rock, le premier conservant son sens original, plus restreint. Ainsi de nos jours, il est habituel de considérer le rock indépendant comme un sous-genre du rock alternatif.
Histoire
Antécédents
Années 1920-1940: bref historique de la musique indépendante
Pour bien saisir tout l'enjeu historique de la musique indépendante il convient de remonter dans l'histoire des maisons de disque jusque dans les
Années 1920 aux États-Unis. A cette époque, les grandes compagnies de l'industrie du disque (connues sous la dénomination de
majors) comme
Columbia Records (depuis intégrée à Sony BMG Music Entertainment) étaient bravées par quantité de petites enseignes discographiques qualifiées d
indépendantes, spécialisées dans la musique noire (essentiellement Blues et Jazz). La crise économique de la fin de la décennie (la Grande Dépression) mina la plupart de ces labels qui finirent en banqueroute ou, dans le meilleur des cas, furent absorbés par un major.Le terme indépendant appliqué à la musique ressurgit aux États-Unis dans les années 50. Les grandes corporations contrôlaient le marché du disque en payant des compositeurs et en cherchant ensuite des interprètes pour les présenter au public. Le système de distribution était organisé de manière à ce que tous leurs disques et chansons soient diffusés dans l'ensemble du pays. Sans un tel système, dont ne bénéficiaient évidemment pas les petites enseignes, il était pratiquement impossible pour un disque de remporter un succès significatif.
Depuis 1912 existait l'ASCAP (American Society of Composers, Authors and Publishers, équivalent américain de la SACEM française), par l'intermédiaire de laquelle les compositeurs et éditeurs protégeaient leurs intérêts, et qui concédait les droits de diffusions aux médias (essentiellement radiophoniques à cette époque). Cette association voyait d'un mauvais oeil la diffusion de la musique noire sur les radios, si bien qu'elle censurait systématiquement les chansons de blues ou de jazz publiées par les labels indépendants. Ainsi, non seulement introuvable dans les commerces, la musique indépendante n'était de plus pas diffusée par les radios nationales. C'est alors que, pour contrer cet état de fait, commencèrent à apparaître des radios pirates, qui émettaient depuis des débarras vétustes ou des embarcations suffisamment éloignées des côtes.
En 1939 une association de radios et de DJs mit en marche une association rivale, BMI (Broadcast Music Incorporated), destinée à représenter de nombreux compositeurs et éditeurs jusqu'alors ignorés. L'ASCAP se démena pour que les radios nationales ne programment pas de chansons de la BMI; de nombreuses chansons furent censurées comme Such a Night de Johnnie Ray (pour de prétendues connotations sexuelles), mais le virus était en marche et se propageait déjà dans la population. La BMI survécut, ses revenus et sa popularité grandirent rapidement lorsqu'un nouveau genre nommé rock'n'roll naquit des mains d'artistes noirs tels Little Richard, Bo Diddley ou Chuck Berry.
Années 1950: Naissance du rock
« Le rock naît indépendant » - Michka Assayas, Dictionnaire du rock
C'est en effet un label indépendant de
Chicago,
Chess Records, qui publie en 1951
Rocket 88 d'
Ike Turner et les Kings of Rhythm (crédité au saxophoniste-chanteur du groupe,
Jackie Brenston), souvent considéré comme le premier disque de rock'n roll. Le disque avait été enregistré dans le studio Sun, plus tard propriété de
Sun Records, autre petit label indépendant emblématique des débuts du rock, qui publie notamment les cinq premiers disques d'
Elvis Presley.
Cependant, lorsque le rock commence à rencontrer un grand succès populaire, il se trouve rapidement contrôlé par des grandes compagnies du disque comme Columbia Records aux États-Unis, EMI, Warner, RCA (c'est ce dernier qui rachète d'ailleurs les droits du King à Sun), Atlantic, United Artists, MGM et ABC en Europe.
Années 1960-1970: la contre-culture
Dans les années 1960, avec l'avènement du mouvement
hippie et le développement de la notion de
contre-culture, se dégage l'idée d'une musique marginale,
underground (
souterraine), réservée aux initiés. Des labels indépendants importants comme
Island Records et
Virgin Records (qui publie les premiers disques de
Gong et de
Mike Oldfield) sont fondés, respectivement en 1962 et 1973.
Naissance du rock indépendant
Fin des années 1970: le détonateur punk
L'avènement du mouvement
Punk provoque un engouement sans précédent; une multitude de groupes suivent la voie ouverte et produisent une musique indépendante des circuits commerciaux habituels et aux sonorités innovantes. Pour ce faire ils ont recours à l'autoproduction (
Do it yourself, "
fais-le toi-même") ou créent des petits labels indépendants afin de diffuser leur musique et celle de leurs proches, avec des moyens et du matériel généralement très sommaires, tout en revendiquant leur sonorité "
Lo-fi" (en opposition à
hi-fi). Des structures comme
Rough Trade à
Londres,
Fast Product à
Édimbourg,
Factory à
Manchester ou
New Rose à
Paris fédèrent les énergies et se font la vitrine de cette production musicale originale (
Aztec Camera,
The Raincoats, Young Marble Giants,
Charles De Goal, ...) et permet à certains groupes de dépasser le stade de la notoriété locale. Aux États-Unis la tâche est plus ardue en raison de la grande étendue du territoire.
Années 1980: l'expansion
Au cours des
Années 1980, le qualificatif d
indépendant se diffuse pour qualifier des groupes qui produisent des sonorités inédites en intégrant des influences issues de la pop, du rock et du punk, mais aussi pour certains de l'avant-garde, de la musique expérimentale et de la musique électronique alors en pleine explosion. Aux États-unis, le rôle des radios universitaires américaines est majeur dans l'éclosion de ce mouvement. Par exemple à Los Angeles, la station commerciale KROQ propose ce type de programmation dès 1978. C'est l'âge d'or du rock indé. Soutenu par des piliers comme Rough Trade, Factory Records, 4AD, Creation ou Mute, de nombreux groupes novateurs d'approche pourtant difficile obtiennent des possibilités de diffusion inédites; d'autres accèdent même à un haut niveau de notoriété. On peut par exemple citer Depeche Mode, Diamanda Galás ou Frank Tovey chez Mute, Cocteau Twins chez 4AD, qui devient ainsi fondateur du courant dream pop avant de revenir à un rock plus électrique en lançant les Pixies à la fin de la décennie, The Jesus and Mary Chain, My Bloody Valentine ou encore Oasis chez Creation.
Le mouvement prend une ampleur considérable. Au Royaume-Uni, les ventes de disques indépendants représentent jusqu'à 30% des ventes. Aux États-Unis le mouvement connaît une grande effervescence grâce au travail de labels comme Voxx, Enigma, Dischord, puis Epitaph et Sub Pop, qui connaîtront tous deux un écho mondial et inattendu au début de la décennie suivante grâce au succès de The Offspring et Nirvana respectivement. La France n'est pas en reste avec la fondation dans l'entourage de New Rose de labels comme Bondage, Closer, Gougnaf Mouvement, Boucherie Productions ou Danceteria; ce dernier développe d'ailleurs un nouveau réseau de distribution rivalisant avec celui de New Rose.
Parmi les groupes les plus influents de la décennie, on peut citer pour le Royaume-Uni New Order (issu de Joy Division), The Smiths ou encore Stone Roses, qui ont tous démarré sur des labels indépendants pour finalement signer chez des majors. Aux États-Unis, c'est le hardcore qui domine la scène indépendante avec des pointures comme Bad Brains, les Dead Kennedys de Jello Biafra, Hüsker Dü ou Fugazi; il aura d'ailleurs une influence décisive sur des mouvements ultérieurs comme le Grunge, pour n'évoquer que celui qui remportera le plus grand écho médiatique.
Les majors ne laissent pas leur échapper ce marché à fort potentiel. Ils utilisent ou créent en leur sein de petites structures autonomes destinées à promouvoir certains artistes apparentés au mouvement indépendant, et susceptibles de connaître un succès important, leur permettant ainsi de bénéficier de leurs vastes réseaux de diffusion. De bons exemples sont Small chez Sony Music, ou encore Geffen Records, à l'époque filiale de Warner Music Group, qui signe avec Sonic Youth puis Nirvana des contrats avantageux, aussi bien en terme de diffusion qu'en terme de liberté artistique.
La scène française des années 1980 peut être classée en deux grands courants. D'un côté, un rock "dur" inspiré des années 1960, avec des groupes tels que Vietnam Veterans, Flamingos, Froggies, Snipers Kid Pharaon ou Roadrunners, de l'autre, un assortiment de groupes résolument tournés vers le punk,et à l'humeur festive et cynique, comme Bérurier Noir, Les Garçons Bouchers, Ludwig von 88, Parabellum, Les Satellites et Les Sheriff. D'autres groupes français importants issus de la scène indépendante sont les Thugs, Mano Negra ou encore les Négresses Vertes.
Années 1990: Nirvana jette le trouble
Au début des
Années 1990,
Nirvana ouvre bien à son insu une brèche dans laquelle nombre de musiciens rock vont s'engouffrer. Des groupes comme les
Cranberries,
Muse, Red Hot Chili Peppers ou
Radiohead, jugés "alternatifs" aux États-Unis, connaissent un succès commercial considérable, et les qualificatifs d'"indépendant" ou d'"alternatif" deviennent indistincts. Le rock indé se dissout dans le rock de masse.
Certains groupes restent toutefois indépendants stricto sensu (Yo La Tengo, They Might Be Giants, Avantgarde, Ivy, Stereolab...); on peut noter chez eux des influences aussi variées que la musique contemporaine (Stockhausen, Gyorgy Ligeti), le Minimalisme (Steve Reich, Philip Glass), le folk (John Denver, John Fahey), la chanson française (Françoise Hardy, Serge Gainsbourg) ou l'easy-listening (Henry Mancini).
Plus tard enfin un nouveau courant rattaché au rock indé, qualifié de Post-rock, fait son apparition. Les groupes issus de ce courant revendiquent généralement une forte parenté avec le milieu underground.
Bibliographie
- Michka Assayas, Dictionnaire du rock, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », Paris, 2000, (ISBN 2-221-09224-4)
- Philippe Robert, Rock, Pop, Un Itinéraire bis en 140 albums essentiels, Le mot et le reste, Marseille, 2006, (ISBN 2-915378-31-2)
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
Sources/Références
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